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ENTRETIEN AVEC ANANIAS LEKI DAGO

ENTRETIEN AVEC ANANIAS LEKI DAGO

Il y a  27 ans, quand le jeune Ananias Leki Dago s’inscrivait en cours de photographie à l’Insaac (Institut National Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle), il  était loin de s’imaginer qu’il deviendrait  l’un des plus grands photographes contemporains que compte l’Afrique. Après plusieurs voyages dans le monde  où il vécut comme « immigré » ou « étranger », c’est l’heure de la consécration pour le « photographe du détail ». Le 25  Avril 2017, il intègre Le Philadelphia Museum of Art avec 20 photographies issues de ses séries de photographies  sur les villes de Johannesburg, Nairobi et Bamako. Et devient ainsi le premier photographe ivoirien de l’histoire à intégrer ce prestigieux panthéon où siègent  les travaux  d’Alfred Stieglitz d’Ansel Adams, de Diane Arbus, Frederick Evans, Robert Frank, Gilbert & George, Cindy Sherman, Minor White et de nombreux as de l’histoire de la photographie. Même s’il perçoit ce sacre comme la reconnaissance d’un long travail ce n’est en rien la fin de sa quête. Plusieurs projets fleurissent dans sa tête. La restauration   des œuvres de Paul Kodjo   ancien photographe ivoirien, ou encore finir en 2020 son projet  baptisé « Rainy Days » au sein de la capitale ivoirienne. Rencontre !

Comment définissez-vous la photographie ?

 Dans photographie il y a le préfixe « photo » qui désigne en gros la lumière, et le suffixe « graphie » qui veut dire écrire, dessiner ou peindre. Photographier voudrait donc dire écrire, dessiner ou peindre par la lumière. En conséquence l’acte de photographier ne peut s’effectuer s’il y a absence de lumière.

Qu’est-ce qu’elle représente pour vous ?

 En dehors de la définition academique qu’on donne de la photographie, il s’agit pour moi d’une philosophie, d’un moyen adéquat pour questionner ce qui vit autour de moi. Avant d’être un métier, elle a été –et reste encore- une sorte de therapie, un instrument utile à mon épanouissement.  Vu de cette façon, l’envisager en tant que carrière professionnelle prend de fait la forme d’un sacerdose. Les choses ne sont plus simples à ce niveau là.

 

Quel est votre regard sur la photographie numérique ?

Tout changement vient avec ses avantages et inconvenients. Il faut juste savoir se positionner dans le processus de mutation. En tout cas, c’est ce que je fais à mon niveau. Il existe chez moi une constante remise en question de ma pratique photographique en rapport avec l’évolution- de la technologie.

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L’explosion du numérique –à partir les années 2000- a certes bousculé beaucoup de choses, mais quand on lit l’histoire de la photographie,  on se rend compte que ce n’est pas la première revolution qui s’y produit. La photographie est un domaine sujet à une évolution perpétuelle. C’est d’ailleurs ce qui fait sa force et sa faiblesse. En ce qui me concerne je vois l’avénement du numérique moins comme une ménace qu’une progression. Il a rendu davantage accessible la photographie,-comme cela l’a été à d’autres époques de l’histoire-, tout en reduisant non seulement les coûts de production mais aussi occasionnant une plus grande vitesse de réactivité.

L’arrivée du numérique marque également une rupture, dans la mesure où il installe de nouveaux codes, une nouvelle forme d’écriture, plus exactement une nouvelle esthétique. La photographie n’est plus envisagée comme elle le fut du temps de mes ainés et de celui avec lequel j’ai débuté. Nous vivons un autre temps. L’age que j’ai me permet d’être entre l’analogie et le numérique. Je numérise mes négatifs afin de pouvoir les avoir en fichiers et être capable de faire circuler mes photos via internet. J’ai cependant mon tireur, un homme de grande expérience, qui a appris le métier avec le légendaire Pierre Gassmann le tireur attitré du célèbre photographe français Henri Cartier Bresson. Lorsque, avec Toros, nous devons tirer mes photos, nous entrons ensemble dans ce qu’on appelle la chambre noire.

C’est le «  Très Saint », c’est le lieu de la révelation. C’est magique ce qui s’y produit ! Je mesure la chance que j’ai, c’est à dire d’être encore capable de travailler ainsi. Pour beaucoup d’autres collègues africains qui sont loin des centres de productions des pellicules, des produits chimiques, des papiers photographiques etc… (situés en Occident) le numérique est une solution plus facile et moins coûteuse leur permettant de continuer d’être productif. 

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